L’effet placebo est un phénomène psychobiologique qui est bien plus qu’un simple effet psychologique. Malgré l’absence de principe actif dans les placebos, ils déclenchent de réels mécanismes cérébraux, notamment dans le soulagement de la douleur.
Les recherches sur l’effet placebo, bien qu’anciennes, se sont intensifiées ces dernières décennies. Les spécialistes, comme Didier Bouhassira et Gregory Scherrer, montrent que l’effet placebo a des implications concrètes dans la réduction des symptômes de diverses maladies, en particulier dans le traitement de la douleur.
L’effet placebo n’est pas simplement une question de « positive attitude » ou d’espoir, mais il provoque des changements dans le cerveau. Cela permet d’expliquer pourquoi il a des effets thérapeutiques avérés. Ce phénomène omniprésent dans la pratique médicale permet de mieux comprendre comment l’esprit peut influencer la santé et ouvre la voie à de nouvelles pistes de traitements basés sur la modulation des circuits neuronaux impliqués.
Pour en savoir plus, écoutez ce podcast d’une heure de Radio France : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/la-science-cqfd/placebo-les-faits-derriere-l-effet-4083744
Résumé du podcast « Placebo – les faits derrière l’effet »
Ce podcast est une exploration du phénomène de l’effet placebo, présent dans la pratique médicale
depuis des siècles et qui fait l’objet d’une attention croissante dans la recherche actuelle.
L’effet placebo n’est pas simplement une question de croyance ou d’auto-suggestion, mais il
entraîne de véritables changements biologiques, notamment par la libération d’opioïdes
endogènes dans le cerveau. L’effet placebo est souvent sous-estimé malgré sa puissance
démontrée, même dans des traitements invasifs tels que la chirurgie. Les experts Didier Bouhassira et Gregory Scherrer discutent également de la façon dont les attentes des patients et le contexte des soins influencent la force de cet effet, et de son rôle crucial dans la pratique médicale moderne, que ce soit de
manière consciente ou non. ils abordent aussi les questions éthiques et politiques entourant l’utilisation du placebo en médecine.
Points clés sur l’effet placebo…
- « [L’effet placebo] a souvent une connotation négative et pourtant, l’effet placebo est un phénomène extrêmement important et puissant. »
- « Si le principe actif d’un médicament placebo n’existe pas, quelque chose se passe réellement dans le cerveau. »
- « Avec la découverte de l’implication des opioïdes endogènes dans l’effet placebo, on comprend que l’effet placebo est réel. »
- « Nous utilisons l’effet placebo tous les jours, mais de manière plus ou moins inconsciente. »
- « Grâce à ces études contre placebo, nous avons pu arrêter cette intervention, qui avait certes un effet placebo, mais qui avait aussi des effets indésirables. »
- « En général, les médecins essaient de favoriser, d’optimiser l’effet placebo, les effets non spécifiques, afin d’améliorer les résultats. »
Retranscription de l’interview
L’effet placebo est aussi ancien que la pratique médicale et ces dernières années, la recherche sur le sujet s’accélère. Que comprenons-nous de ce phénomène psychobiologique ? Il a souvent une connotation négative et pourtant, l’effet placebo est un phénomène extrêmement important et puissant. Ce n’est pas seulement une question d’espoir ou d’attitude positive.
Si le principe actif d’un médicament placebo n’existe pas, quelque chose se passe réellement dans le cerveau. Dans un grand nombre de cas, on observe une réduction des symptômes pour le traitement de la douleur ou de différentes maladies. Un nouveau circuit neurologique vient d’être identifié. Quels sont les mécanismes cérébraux impliqués ?
« Didier Bouhassira, bonjour. Vous êtes médecin, neurologue et directeur de l’unité Inserm Physiopathologie et Pharmacologie Clinique de la Douleur de l’hôpital Ambroise Paré à Boulogne Billancourt. Et nous sommes en ligne avec Grégory Scherrer, bonjour. Vous êtes professeur de biologie cellulaire, physiologie, neurosciences et pharmacologie, chercheur à l’Université de Caroline du Nord, et le co-auteur de cette étude qui vient de paraître dans la revue Nature.
Merci à vous deux d’avoir accepté notre invitation, ici, en direct, dans nos studios à France Culture, et merci à vous qui nous écoutez. Vous pouvez nous écouter tout en nous suivant sur Twitter, tous les jours nous publions pour vous plein de liens, plein de ressources, c’est sur notre fil à ScienceCQFD et ça commence tout de suite.
Alors, comment fonctionne l’effet placebo et est-il possible d’augmenter son efficacité ? Quels sont les mécanismes neurobiologiques en jeu ? Et quels sont les enjeux des recherches futures sur cet effet ? Nous sommes ensemble jusqu’à 17 heures pour répondre à ces questions. Nous commençons par l’effet placebo le plus célèbre, l’homéopathie. »
Nous sommes en 1985 et voici notre archive du jour. En parlant des substances naturelles qui entrent dans la composition des médicaments homéopathiques, Jacques Benveniste rappelle que certaines substances naturelles peuvent être extrêmement dangereuses. Ainsi, le curare indien. Et quand on lui objecte, comme une partie du corps médical, que les médicaments homéopathiques n’ont qu’un effet placebo, c’est-à-dire que si vous avalez de l’amidon de pain, cela a le même effet, Jacques Benveniste répond : Disons que c’est un placebo.
C’est très intéressant d’avoir réussi à vendre des placebos et que les placebos fonctionnent. Car les placebos, cela ne signifie pas des médicaments inefficaces. Cela signifie que ça fonctionne, mais pour des raisons qui sont plus psychologiques que directement pharmacologiques. Ce n’est pas l’action directe du médicament, mais c’est l’action du médicament, le fait de prendre le médicament, par l’intermédiaire de l’implication psychologique de l’individu. Si les homéopathes avaient réussi à mettre sur le marché des médicaments qui n’ont pas d’activité propre, mais qui font que le malade se guérit tout seul et aide à le guérir, moi, personnellement, je n’y verrais strictement aucun inconvénient.
Vous savez, les placebos, ça guérit de 30 à 60 pour cent des maladies selon le système auquel on s’adresse. Et bien, si c’est vrai, c’est très bien. Mais, a priori, je ne crois pas qu’il y ait d’effet placebo dans nos tubes. Donc, je pense qu’il y a quelque chose de plus qu’un effet placebo. Voilà un extrait du journal de France Inter en 1985, à la voix de Jacques Benveniste, directeur de l’équipe Inserm.
« Didier Boissière, on dirait que le mot placebo, on dirait presque un gros mot. »
Oui, il a souvent eu une connotation négative. Le mot placebo, on considérait que c’était un peu un effet magique, qui dénotait une certaine crédulité ou une certaine naïveté des personnes qui répondaient au placebo.
Cependant, nous savons très bien aujourd’hui que ce n’est pas du tout le cas, que l’effet placebo est un véritable effet biologique, neurobiologique, que nous pouvons comprendre. Nous avons étudié les mécanismes, car maintenant de nombreuses équipes dans le monde s’y intéressent. Et c’est quelque chose qui a pris toutes ses lettres de noblesse au cours des dernières années.
Nous étudions l’effet placebo parce que c’est quelque chose d’extrêmement important, comme vous l’avez dit dans votre introduction, qui est très puissant. Et comme l’a dit le Dr Benveniste, il est vrai que l’homéopathie n’est pas une simple maladie. Pour la plupart, c’est un effet placebo, mais cela fonctionne. C’est un effet placebo. L’effet placebo est efficace.
Donc, il ne faut pas penser que l’effet placebo est quelque chose de négatif. C’est quelque chose d’extrêmement positif. Cela fonctionne. Après, il faut savoir pourquoi cela fonctionne, comment cela fonctionne, et devons-nous rembourser des médicaments qui n’ont pas plus d’efficacité qu’un placebo ? Donc, c’est une question politique, cela se propage, etc. Mais sur le plan biologique, il est vrai que l’effet placebo fonctionne.
« Grégory Scherer, une réaction à l’archive que nous venons d’écouter. «
Oui, oui, comme souvent en médecine, que ce soit pour des maladies ou pour des traitements, les effets peuvent sembler magiques ou sans fondement, tant que les chercheurs n’ont pas identifié les mécanismes, qu’ils soient cellulaires ou moléculaires, responsables de la maladie ou du traitement.
Et donc, dans les années 1980, avec la découverte de l’implication des opioïdes endogènes dans l’effet placebo, lorsqu’on trouve des cellules dans le cerveau qui peuvent libérer des substances, on comprend que l’effet placebo est réel, puisqu’en fait, il y avait un effet, ce n’était pas l’effet de ce qui a été donné à l’individu, mais c’était l’effet de ce que le corps produisait en réponse à ce traitement inerte.
« Comme vous le dites, Didier Boissière, il n’y a pas de magie dans tout cela. De plus, l’effet placebo est une histoire assez ancienne. Il est aussi ancien que l’histoire de la médecine. »
Probablement, oui. Certains considèrent que jusqu’au XVIIIe siècle, toute la médecine était essentiellement placebo. C’est un peu exagéré, mais il est vrai que l’effet placebo est utilisé.
Consciencieusement ou inconsciemment, depuis des milliers d’années, probablement. Mais l’importance est qu’on ne l’appelait pas placebo. Le terme placebo a été défini à partir du XVIIIe siècle, plus ou moins. Et aujourd’hui, il a une connotation très précise, que nous utilisons dans les études cliniques, dans la recherche fondamentale, etc.
Mais il est vrai que l’effet placebo est beaucoup plus large que le simple fait de prendre un petit comprimé. Sur le terrain, le placebo fonctionne.
« Grégory Scherer, peut-être que nous pouvons aussi définir ensemble ce qu’est un effet placebo. »
C’est un exemple incroyable puisque nous pouvons reproduire l’effet analgésique du médicament le plus puissant que nous avons, donc les opiacés, avec un placebo.
Et donc le placebo, en fait, dans le cas de la douleur, est une réduction de la perception de la douleur après l’administration d’un traitement ou après une procédure qui, en fait, n’a pas d’efficacité en tant que telle, mais c’est simplement l’attente du patient, l’espoir du patient qui produit l’effet bénéfique.
« Didier Boissière, la douleur n’est pas une maladie, c’est un domaine dans lequel l’effet placebo s’exprime, mais ce n’est pas le seul. «
Non, non, ce n’est pas le seul. Nous avons juste une petite précision. L’histoire de Butcher et de la morphine utilisée est probablement fausse. C’est probablement inventé par des journalistes de l’époque.
Mais par contre, Butcher a été l’un des pionniers de l’étude sur le placebo. C’est évident. Et c’est même à partir de ces études que nous avons vraiment formalisé les essais cliniques tels qu’ils sont réalisés jusqu’à ce jour. Bref, donc ceci étant dit, votre question était sur justement, on parle du traitement de la douleur, mais l’effet placebo ça peut être bien au-delà de la douleur.
Cela concerne beaucoup de symptômes, par exemple l’anxiété, la dépression, la toux, l’asthme, ce sont des choses qui peuvent répondre à l’effet placebo, mais cela a été décrit dans beaucoup d’autres domaines, y compris des maladies neurologiques très graves. Je dirais, vraiment neurologiques, comme la maladie de Parkinson, par exemple.
Donc, oui, c’est un effet beaucoup plus vaste que la douleur. Mais il est vrai que la plupart des études ont été menées dans le domaine de la douleur, car c’est le plus simple, et c’est l’un des domaines où l’effet placebo est le plus fréquent.
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